Le Diaconat : Une institution établie pour la Justice Sociale
Le Diaconat : Un pilier institutionnel pour la Justice Sociale
La question de la justice sociale, qui se trouve au cœur de l’Évangile, a joué un rôle déterminant dans le façonnement des structures et des missions de l’Église depuis ses origines. Comme le souligne le théologien contemporain Timothy Keller, “la justice sociale n’est pas une option pour le chrétien, c’est une obligation de l’Évangile” (Keller, 2010). Le diaconat, institution érigée au sein de la communauté chrétienne primitive, incarne cette préoccupation essentielle. Ainsi, une exploration approfondie des fondements et de l’évolution de cette institution s’impose, afin de saisir son rôle crucial dans la promotion de la justice sociale.
I. Aux racines du Diaconat : L’éclairage biblique
La genèse du diaconat trouve son ancrage dans le livre des Actes des Apôtres dans le Nouveau Testament. Les Apôtres, face à la nécessité d’une répartition équitable des ressources dans la communauté naissante, ordonnent sept hommes, que l’on considère comme les premiers diacres : “Choisissez parmi vous sept hommes de bonne réputation, remplis d’Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cet emploi” (Actes 6:3, Louis Segond). Cette institution incarne ainsi l’essence du service désintéressé aux autres, reflet de l’enseignement du Christ.
Par ailleurs, le terme “diacre” lui-même, issu du mot grec “diakonos”, signifie serviteur ou ministre. Cela traduit l’engagement de ces individus à se mettre au service de leur communauté, à se dévouer pour le bien-être de tous, et à défendre les plus démunis.
II. La Justice Sociale : Exploration définitionnelle et contextuelle
Le concept de justice sociale renvoie à un idéal qui vise l’égalité d’accès à la totalité des ressources et des opportunités pour chaque individu, indépendamment de ses attributs personnels tels que l’origine ethnique, le genre, la religion ou le statut socio-économique (Novak, 2000). Comme le précise Gustavo Gutiérrez, théologien de la libération, “la justice sociale est le moyen par lequel nous incarnons l’amour de Dieu dans le monde” (Gutiérrez, 1988). Ce principe embrasse des valeurs universelles de solidarité, d’équité et de respect de la dignité humaine.
D’une part, dans un contexte religieux, cette notion de justice sociale trouve un écho particulier. Elle est non seulement entendue comme une valeur intrinsèque à l’éthique chrétienne, mais aussi comme un impératif évangélique. D’autre part, dans une perspective plus large, elle revêt une dimension socio-politique, touchant à la redistribution des richesses, à l’accès à l’éducation et à la santé, ainsi qu’à la reconnaissance et au respect des droits humains.
III. La Justice Sociale au premier siècle : Un miroir des disparités
Le premier siècle de notre ère est marqué par des disparités socio-économiques et culturelles prononcées. Les premiers chrétiens, imprégnés par les enseignements du Christ, se sont engagés à défier l’ordre établi. Ils ont cherché à construire une communauté où la distinction entre Juifs et Grecs, esclaves et hommes libres, hommes et femmes, n’aurait plus lieu d’être (Galates 3:28, Louis Segond). Comme le souligne l’historien Wayne Meeks, “les premiers chrétiens ont révolutionné le concept de communauté en transcendant les divisions sociales et ethniques” (Meeks, 1983).
Ces inégalités, qui faisaient partie intégrante de la société de l’époque, étaient la source de nombreuses tensions et de défis importants. Les injustices étaient omniprésentes, que ce soit dans le domaine de la distribution des richesses, des opportunités offertes aux individus, ou du respect de la dignité de chaque personne. Ces défis ont donc constitué le terreau dans lequel la vocation de justice sociale des premières communautés chrétiennes a germé.
IV. L’Émergence de la Justice Sociale au sein de l’Église primitive
La justice sociale s’est rapidement positionnée comme une priorité au sein de l’Église primitive. Les chrétiens des premières communautés ont adopté un modèle de partage des ressources, en réponse aux inégalités sociales prévalentes dans la société (Longenecker, 1997). L’Église primitive a ainsi mis en place un système de redistribution des biens, avec pour objectif que nul parmi eux ne soit dans le besoin (Actes 4:34-35, Louis Segond).
Le partage des biens était un engagement pratique qui démontrait concrètement la fraternité et la solidarité chrétiennes. Cela constituait une rupture radicale avec le système socio-économique dominant de l’époque, fondé sur l’exploitation et l’injustice. Comme le souligne Jürgen Moltmann, théologien contemporain, “La pratique de l’Église primitive du partage des biens a posé un défi radical à l’ordre socio-économique de l’époque, incarnant une forme tangible d’égalité et de justice” (Moltmann, 2012).
V. Les Diacres : Piliers institutionnels de la Justice Sociale
Au sein de cette communauté primitive soucieuse de justice sociale, le rôle des diacres s’est avéré déterminant. Ils ont été institués pour gérer les biens de la communauté de manière équitable, répondant ainsi aux préoccupations croissantes concernant la distribution des ressources. Leur mission d’origine était d’assurer la prise en charge des veuves et des orphelins, deux catégories de la population particulièrement vulnérables (Actes 6:1-6, Louis Segond).
En tant que tels, les diacres se sont positionnés comme des défenseurs de l’équité sociale au sein de l’Église primitive. Ils se sont engagés à veiller à ce que chaque membre de la communauté bénéficie d’un accès égal aux ressources, indépendamment de sa situation socio-économique ou de son origine ethnique.
VI. La Justice Sociale : Partenaire de l’Évangélisation
La mission d’évangélisation de l’Église primitive a également été profondément liée à la question de la justice sociale. Comme le déclare l’apôtre Jacques, “la religion pure et sans tache, devant Dieu notre Père, consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leur affliction” (Jacques 1:27, Louis Segond). En d’autres termes, la proclamation de l’Évangile est inséparable de l’action concrète en faveur de la justice.
Cette perspective est largement soutenue par des auteurs contemporains comme David F. Watson qui affirme que “la proclamation de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ doit s’accompagner d’un engagement actif en faveur de la justice sociale” (Watson, 2019). L’Église primitive, en établissant le diaconat, a concrétisé cette double mission de proclamation et de service, mettant en œuvre une forme holistique d’évangélisation qui englobe à la fois la parole et l’action.
VII. Les Diacres : Des Leaders Contre la Marginalisation
Dans leur rôle de service et de soutien à la justice sociale, les diacres sont souvent intervenus pour protéger les membres de la communauté marginalisés ou victimes de préjugés. Deux figures particulièrement emblématiques en ce sens sont celles de Stéphane et de Philippe.
Stéphane, l’un des sept premiers diacres, est surtout connu comme le premier martyr de l’Église (Actes 7:54-60, Louis Segond). Cependant, avant son martyre, Stéphane a été un acteur clé dans la gestion de la distribution équitable des ressources au sein de la communauté chrétienne primitive, notamment pour les veuves hellénistes, un groupe qui était marginalisé à l’époque (Actes 6:1-6).
Philippe, un autre des sept premiers diacres, est devenu un évangéliste, étendant le message chrétien au-delà des frontières juives. Sa rencontre avec l’eunuque éthiopien, un haut fonctionnaire de la reine d’Éthiopie (Actes 8:26-40, Louis Segond), est un exemple notable de cette mission. L’eunuque, en raison de sa castration, était exclu du Temple à Jérusalem (Deutéronome 23:1, Louis Segond), mais Philippe l’a accueilli dans la communauté chrétienne sans réserve. Ainsi, Philippe a illustré concrètement comment la justice sociale s’exerce par l’inclusion des marginalisés.
VIII. Interprétation contemporaine de la Diaconie et défis dctuels de la Justice Sociale
Les défis contemporains de la justice sociale appellent à une relecture et à une adaptation du rôle des diacres. Les enseignements issus de la diaconie primitive offrent une perspective unique sur la manière dont les églises peuvent aujourd’hui s’impliquer activement dans la justice sociale et contribuer à la transformation de la société (Barnett, 2005).
Dans le monde d’aujourd’hui, où les inégalités et les injustices sont encore présentes sous de nombreuses formes, la mission du diaconat reste plus pertinenteque jamais. En s’inspirant de l’exemple des premiers diacres, les églises contemporaines peuvent trouver une voie pour lutter contre l’injustice sociale, défendre les droits des plus démunis, et travailler pour une société plus équitable et inclusive.
Le diaconat, tel qu’établi dans l’Église primitive, se présente comme une réponse institutionnelle à la quête de justice sociale. Son héritage constitue aujourd’hui une source d’inspiration pour la mission de l’Église en ce domaine, incarnant un chemin de service et d’amour concret envers le prochain.
Au-delà de son rôle historique, le diaconat offre une perspective unique sur la manière dont l’Église peut, et devrait, s’engager dans le monde. En incarnant l’Évangile à travers le service et la justice sociale, les diacres nous rappellent que l’Évangile n’est pas seulement une bonne nouvelle à proclamer, mais aussi une bonne nouvelle à vivre.
RÉFÉRENCES
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