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Ce que nous savons de la plaque d’Honneur et Mérite au Premier ministre

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Couverture : Le Premier ministre haïtien Ariel Henry lors de l’investiture de son gouvernement, à Port-au-Prince, le 24 novembre 2021 | afp.com/Valerie Baeriswyl

L’information circule. Elle est connue de tous. La plaque d’honneur de l’Union des Adventistes adressée au Dr Ariel Henry est la source d’une virulente controverse. Ce n’est pas une première. Notre démarche propose une lecture équilibrée de cet enjeu, et s’adresse d’abord, à la communauté adventiste haïtienne, mais aussi à tout public en quête d’une compréhension responsable des faits, des acteurs et de leurs implications.

Une mise en contexte pour en venir aux faits
Pourquoi la photo d’une plaque de l’Union des Adventistes du Septième Jour d’Haïti (UMASH), adressée au Premier ministre Ariel Henry, horripile et suscite tant de réactions ? D’abord, parce qu’il s’agit d’une plaque d’Honneur et de Mérite. Nous y reviendrons. Ensuite, parce qu’il y a des antécédents récents et malheureux qui impliquent l’église en général dans la situation actuelle, et qui portent préjudice à la réputation de la religion en tant que phénomène. Enfin, parce que la famille Henry est très engagée dans le leadership politique et religieux non seulement en Haïti, mais dans toute la région. En effet, le frère de l’actuel premier ministre, le Dr Elie Henry, est le Président de la Division interaméricaine des Adventistes (DIA).

D’où vient la controverse ?
La fameuse plaque honore le Premier ministre [nous lisons] « pour avoir facilité les démarches de la délégation Haïtienne au Camporée à la Jamaïque ». Un camporée, est un événement chrétien international où se rencontrent plusieurs délégations venues de tous les pays pour diverses compétitions et activités spirituelles, éducatives ou récréatives. Jusqu’ici, rien de plus ordinaire. Qu’il s’agisse d’une sélection sportive nationale, d’une opération chirurgicale à réaliser à l’étranger, d’un voyage d’études, … tout citoyen peut solliciter le gouvernement de son pays pour faciliter les démarches diplomatiques et consulaires pour une activité à l’étranger. Une première origine de la controverse serait bien le manque d’information du public. En effet, dans une publication en ligne, un journaliste a noté que la plaque honore le Premier ministre « […] pour sa façon de diriger le pays ».

Comment interpréter cette approche ?
Si on se réfère à la définition de la désinformation, nous sommes en présence d’un cas classique « d’information malveillante ». Cela désigne la diffusion d’informations vraies, mais diffusées hors contexte, « dans but est de nuire plutôt que de servir l’intérêt général » (UNESCO, 2019 : 54). Mais la plaque décernée précise le contexte de son attribution. D’abord la date : elle a été décernée depuis avril 2023. La raison est précisée dans le texte même de la plaque, « pour avoir facilité les démarches de la délégation Haïtienne au Camporée à la Jamaïque ». Cela ne nous empêche tout de même pas de questionner sa pertinence, ce, pour les raisons que nous allons évoquer ci-après.

Pourquoi les médias se sont approprié de l’affaire ?
La publication est rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux. En effet, dans un contexte socioéconomique et politique particulièrement difficile, une institution qui honore le premier dirigeant de la nation est une occasion favorable pour fustiger la responsabilité de l’état. Évidemment, le ton ironique avec lequel la publication est partagée confirme qu’il s’agit d’un effort conscient de manipulation, convoquant les internautes au delà du plan d’expression, soit un appel à l’indignation collective s’appuyant sur le signifié de la démarche de l’UMASH.

Comment qualifier la responsabilité de l’Union des Adventistes ?
Elle est technique. Et cet enjeu est une opportunité de revoir les pratiques. Les plaques d’Honneur et Mérite se décernent pour des réalisations exeptionnelles, des services distingués, des contributions significatives, des actes de courage, des reconnaissance notoires ou dans un contexte militaire. S’il revient à chaque institution de définir le protocoles régissant la question, la culture d’honorer les autres est tout de même très présente chez les adventistes. Je sais voir des églises à la situation économique précaire, qui déboursent gros pour décerner une plaque d’Honneur et Mérite à un conférencier, là où une lettre de remerciement, un présent bien moins onéreux, ou un certificat d’appréciation aurait amplement suffit. Au demeurant, à défaut d’une plaque d’honneur à adresser au Premier ministre, l’UMASH aurait eu le choix de l’adresser au Bureau du Premier ministre, à la Primature, au Gouvernement, ou à la limite, d’opter pour une lettre de remerciement qui serait signée par son Président.

Que nous apprend cet enjeu d’affaires publiques ?
Aujourd’hui, la sphère publique, partagée par les niveaux politique, économique et social, accueille une nouvelle transversalité des acteurs médiatiques. Il faut nécessairement en prendre compte, si on ne souhaite pas se retrouver dans des positions difficiles dans l’espace public. Il se trouve que l’actuel premier ministre partage – selon ce que nous savons – la foi adventiste. Les dirigeants doivent donc veiller davantage à circonscrire les frontières politique, administrative et spirituelle. En effet, la bible précise : « A César ce qui est à César, et a Dieu ce qui est a Dieu ». Comme enseigné par l’église adventiste dès la jeunesse, il faut « être prévenant », question de préserver l’image de l’institution chrétienne dans les limites de la réputation qu’elle mérite.

Considérations finales
Doit-on s’attendre à une note de clarification de l’Église Adventiste ? Non. D’abord, parce qu’il n’est pas de la pratique de l’Union Adventiste de se prononcer publiquement sur des enjeux similaires. De plus, le phénomène est déjà à sa phase de « cristallisation », la phase la plus critique de gestion d’un enjeu. Nous nous disposons tout de même pas des informations pour attester de la nécessité de cette reconnaissance. Autant que nous ne saurions nous autoriser à questionner son inutilité. Toutefois, la situation étant ce qu’elle est, il faut continuer à être vigilant sur les interactions de l’église avec le politique.


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