Polygamie : l’Eglise Adventiste en parle en Afrique
La polygamie, les mariages doubles et les thématiques concernant la culture africaine au centre d’une conférence qui a eu lieu au Kenya.
Les trois divisions adventistes africaines se sont rassemblées pour aborder des thématiques difficiles – Avril 2018
Pour la première fois pour le Département des Ministères de la Famille de l’Église Adventiste du Septième Jour, les trois Divisions Africaines se sont rassemblées du 1er au 3 mars 2018 pour aborder des thématiques difficiles et importantes sur le mariage et la famille.
La conférence adventiste panafricaine sur les relations des dynamiques familiales a été organisée par Willie et Elaine Oliver, les directeurs du Département des Ministères de la Famille de l’Église au niveau mondial, avec les départements des Ministères de la Famille de la Division de l’Afrique du Centre-Est (ECD), de la Division de l’Afrique de Centre-Ouest (WAD) et de la Division de l’Afrique Australe et de l’Océan Indien (SID).
La conférence a été organisée pour plusieurs raisons ; d’abord pour parler de la relation parmi les cultures et les traditions bien enracinées sur le sol africain et des prospectives bibliques qui concernent les familles. « Nous ressemblons toujours plus au monde, au lieu de nous distinguer en tant que sel et lumière du monde », a expliqué Willie Oliver dans une interview pou Adventist Review. « Ceci est une opportunité pour ralentir et nous focaliser à nouveau sur le message biblique adressé aux familles ».
« Cette conférence est importante parce que la culture joue un rôle fondamental pour nous tous, qu’elle que soit notre provenance », a ajouté Elaine Oliver. « Généralement, la culture détermine nos actions, nos comportements, la façon avec laquelle nous prenons des décisions et comment nous décidons de vivre nos vies. Plus spécifiquement, nous abordons le sujet du mariage et de la famille ; aujourd’hui, il s’agit d’une thématique capitale, décisive ; notre culture doit représenter la culture de la chrétienté ».
L’Afrique salue avec l’expression « Karibu » !
La conférence, qui a eu lieu dans le campus de l’Université Adventiste d’Afrique (AUA), a donné feu vert à des salutations mémorables. Monsieur et Madame Oliver ont salué les participants en swahili, avec l’expression « karibu » qui signifie « bienvenus » ; Blasious Ruguri, le président de l’ECD et de l’AUA, a encouragé les participants à « percevoir la chaleur, l’amour et la beauté de la Division de l’Afrique du Centre-Est ! ».
Delbert Baker, le vice-président de l’AUA, a souhaité la bienvenue à tous les participants. « Dans les deux prochains jours nous aurons la possibilité d’apprendre, élargir nos points de vue et interagir avec les autres », a affirmé Baker. « Nous croyons qu’avec la grâce de Dieu, nous aurons la possibilité d’écouter des concepts et de parler des principes qui concernent la famille qui sauront nous stimuler ». Ted Wilson, le président de l’Église Adventiste au niveau mondial, et sa femme Nancy, ont enregistré une vidéo pour les participants, pour les encourager à « ne pas permettre aux modernes cultures et traditions de changer l’héritage africain qui a comme objectif celui de protéger la famille ».
Le mariage, la famille et les Écritures
Le discours d’ouverture a été prononcé par Ron Du Preez, pasteur, chercheur et professeur associé dans nombreuses universités, y compris l’AUA. Du Preez a parlé de l’importance des Écritures en relation aux problèmes contemporains à l’intérieur de la famille. « Certains considèrent les Écritures insignifiantes quand on parle de mariage et de famille, comme si elles étaient inférieures à la science, à la culture, aux sentiments, tandis que d’autres pensent que la Bible représente la volonté du Dieu Créateur », a expliqué Du Preez.
Du Preez a commencé son discours en faisant référence à une récente relation publiée sur Time Magazine qui soulignait les avantages du mariage. Ces bénéfices incluaient « une meilleure santé, un patrimoine plus riche, des vies conjugales plus heureuses, une mort plus sereine, un nombre plus petit de maladies mentales et moins de suicides ». Il a ensuite souligné comme le mariage et la famille sont « pris d’assaut ». À ce propos, en citant un auteur, il a continué en disant que « à la fin, en tant qu’êtres humains, quoi qu’on en soit conscients ou non, nous sommes impliqués dans un conflit spirituel de portée cosmique entre Dieu et Satan ; le mariage et la famille sont une arène dans laquelle combattre nos luttes spirituelles et culturelles ».
Du Preez a ensuite démontré comment une connaissance approfondie des Écritures puisse apporter des idées nouvelles pour faire face aux défis qui concernent la famille et le mariage. Il a terminé son discours en posant la question clé de la conférence : « Quel devrait être notre standard ? Celui de la science ou celui des Écritures divines ? ».
Les familles chrétiennes en Afrique
Un autre sujet très important est celui concernant la définition des caractéristiques de base des familles, tout avec la description de l’importance des familles africaines et des défis auxquels elles doivent faire face. Le séminaire a été présenté par Sampson Nwaomah, doyen de la faculté de théologie de l’AUA, avec sa femme Angela, secrétaire de l’AUA.
Sampson Nwaomah a souligné comment en Afrique l’unité sociale de base est la famille élargie ou la collectivité, contre l’individualisme occidental. Il a mis l’accent sur comment la famille africaine a la responsabilité de transmettre les normes traditionnelles, les valeurs, les principes, les connaissances et les capacités pratiques. Voilà pourquoi « en Afrique, les familles jouent un rôle important pour le développement, la maturation et la croissance de l’identité personnelle et de la cohésion de la société ».
Toutefois, « les modernes familles chrétiennes en Afrique se situent quand même à l’intérieur d’une société plus grande et se trouvent à vivre des tensions concernant le sujet de la fidélité biblique et des compromis avec la société ». La famille chrétienne en Afrique est un lieu dans lequel « les principes de la vie familiale sont consciemment guidés et modifiés par les principes bibliques ». Mais, au même temps, les familles africaines se trouvent à être confrontées avec toute une série de pressions culturelles et de normes.
Nwaomah en a partagé certaines, y compris l’émigration. Très souvent, un conjoint déménage dans une autre ville à la recherche de stabilité financière, tandis que l’autre reste dans une zone rurale. Cela, selon lui, finit par avoir comme résultat « une crise de communication, infidélité, violence domestique et divorce ».
Un aspect culturel positif et négatif au même temps se réfère au concept d’Ubuntu, l’existence collective. La communauté apprécie beaucoup certaines normes, y compris la fidélité. « Dans une culture où les enfants sont très appréciés… la pressions pour les couples qui ont des problèmes [de fertilité] a comme conséquences le divorce, la polygamie et la violence domestique ».
Toutefois, Nwaomah a accentué le rôle bien précis des familles chrétiennes. « Dans une époque où les principes familiaux sont mis à l’épreuve et sont compromis par les maux de la société, les familles chrétiennes en Afrique peuvent encore représenter l’idéal divin des familles et transmettre ce grand amour à une génération et à un monde qui souffre ».
Angela Nwaomah a souligné le rôle important de la conférence dans un meilleur apprentissage de ces dynamiques. « Cette conférence est arrivée en Afrique juste à temps », a-t-elle affirmé dans une interview à Adventist Review. « La famille constitue le centre de la société et joue un rôle important à l’intérieur de l’église et de la société ».
La polygamie, les Écritures et le mariage
Du Preez a ensuite présenté le sujet de la polygamie, une tradition qui est désormais devenue la norme dans certaines parties de l’Afrique, une réalité contre laquelle l’Église se trouve à combattre.
Du Preez a affirmé que les Écritures présentent la monogamie comme le plan originel de Dieu. À partir de la Genèse, « au fil des siècles, les commentateurs bibliques qui ont cru au caractère historique du récit biblique se disent d’accord sur le fait que [Genèse 1 et 2] montre comment la monogamie était la volonté du Seigneur pour l’humanité, modèle des mariages futurs ». Du Preez a aussi présenté quelques extraits d’Ellen White, co-fondatrice de l’Église Adventiste, qui soutenait le mariage monogame présenté par les Écritures.
En faisant référence à des personnages de la Bible bien connus qui avaient plus d’une femme, Du Preez a affirmé que leur choix a eu comme conséquence plusieurs problèmes familiaux et que « dans les Écritures, quand le Seigneur appelait quelqu’un à Son service, il s’agissait d’une personne célibataire ou monogame » qui tombait seulement après dans le piège de la polygamie.
La séance questions-réponse sur le sujet a pris beaucoup de temps ; plusieurs participants ont partagé « la réalité locale… là où vivent les gens », pour montrer la difficulté de cette thématique si enracinée sur le territoire africain. Les défis incluent aussi l’existence d’hommes qui ont plusieurs femmes et qui désirent être baptisés dans l’Église Adventiste. On se pose aussi des questions éthiques, comme par exemple l’impact sur les femmes qui ont été « quittées » et qui, d’après ceux qui ont une plus grande familiarité avec cette situation, pourraient être éloignées, marginalisées par la société et, dans plusieurs cas, même obligées à ne plus se marier.
« Ceci est l’une des thématiques les plus importantes que nous devons aborder », a affirmé Willie Oliver, reconnaissant la portée de la discussion qui a suivi la présentation. « Il faut convoquer une autre rencontre sur le sujet de la polygamie », a suggéré-t-il. « J’espère que nous réussirons à nous accrocher à la vérité des Écritures et que nous continuerons à étudier la Bible ».
Les religions traditionnelles africaines
Entrelacées avec toutes ces thématiques il y a aussi l’histoire et l’influence des religions traditionnelles africaines (ATR). Jongimpi Papu, secrétaire de la Cape Conference en Afrique du Sud, a introduit sa présentation sur l’argument en disant que « en Afrique, la culture est très religieuse, elle a plusieurs présupposés religieux ».
Papu a souligné que les africains « naissent dans la religion » et qu’ils ont la tendance à avoir une « cosmologie très spiritualisée », qui unit d’une manière étroite la culture avec la pratique religieuse. Papu a expliqué que la conséquence est que quand l’on met en discussion ou l’on critique un africain, il le prend comme une attaque personnelle, arrivant à penser que l’autre croit que « tout ce qui concerne l’Afrique est mauvais ».
Parmi les convictions les plus fortes à l’intérieur de l’ATR il y a le rôle central des ancêtres désormais morts qui sont considérés comme « vivants » et « plus proches aux hommes par rapport aux divinités ». Si la famille est l’unité sociale de base dans le monde africain, les ancêtres sont les membres de la famille les plus importants. « Les ancêtres sont les gardiens des questions familiales, des traditions et de l’éthique », a affirmé Papu. « La plus grande influence d’un homme dérive de ses ancêtres et [d’après l’ATR] les personnes sont toujours en présence de leurs ancêtres ».
Ceci, tout avec d’autres croyances religieuses-culturelles, implique de nombreux aspects de la vie de la population africaine. « La culture africaine est bien enracinée en moi, même si je ne pratique pas l’ATR », a déclaré l’un des participants.
Le point culminant de la présentation de Papu a été un appel à considérer certains aspects culturels comme de précieuses opportunités. Il a fait une nette distinction entre les normes culturelles qui sont convenables aux chrétiens et celles qui ne le sont pas, en affirmant que « le fait qu’une chose soit naturelle ne signifie nécessairement pas qu’elle soit aussi juste ». Au même temps, Papu s’est engagé pour utiliser le langage culturel pour réussir à atteindre les personnes. « Nous pouvons parler en prenant à exemple les différentes catégories africaines tout en cherchant à expliquer les principes bibliques », a expliqué-t-il.
Godwin K. Lekundayo, le président de l’Union de Missions de la Tanzanie, s’est dit d’accord. « Pour ce qui concerne la mission, nous devons aussi chercher à comprendre les éléments culturels qui ne sont pas en ligne avec les Écritures pour ensuite utiliser ces éléments comme un pont pour atteindre les personnes dans leur réalité ».
Les mariages doubles en Afrique
Toujours en relation avec la réalité de l’émigration africaine il y a le sujet des mariages doubles. Kagelo et Boitumelo Rakwena, les directeurs des Ministères de la Famille du SID, ont affirmé que depuis 1985 les mariages doubles sont une tendance en augmentation, qui a des avantages et des désavantages.
Parmi les avantages, les mariages doubles tendent à contribuer à la naissance des mariages égalitaires, où la femme passe moins de temps à faire les tâches ménagères et où l’homme est encouragé à faire de plus. « Savez-vous que les hommes sont les chefs les meilleurs du monde ? Ils cuisinent pour tout le monde mais pas pour leurs familles ».
Les mariages doubles ont aussi le potentiel d’atteindre un plus haut niveau de satisfaction conjugale, bien-être ou accomplissement individuel et, dans plusieurs cas, ces mariages augmentent « le potentiel économique de la famille », selon les études cités par Monsieur et Madame Rakwena.
Au contraire, les désavantages incluent le fait que dans la réalité il n’arrive pas souvent de partager de manière équitable les travaux ménagers. « Dans la plupart des cas où l’homme et la femme poursuivent leurs carrières, c’est la femme à avoir deux travails à plein temps, celui à l’extérieur et celui à la maison », a expliqué Kagelo Rakwena. En outre il pourrait y avoir aussi des tensions provoquées par le stress du travail qui causent de la fatigue, en faisant diminuer l’intimité familiale et en provoquant une tension conjugale.
À la fin, les mariages doubles font diminuer le temps passé avec la famille élargie, qui a comme résultat des « vies indépendantes ou des tendances individualistes » et qui encouragent les couples à « créer des propres solutions à des problèmes comme le soin des enfants », ont continué Monsieur et Madame Rakwena.
Une conférence importante
Les divisions africaines sont conscientes de l’importance du moment. « Cette conférence est significative parce qu’elle représente la première rencontre en tant que continent pour aborder ces difficiles thématiques », a dit Ruguri pendant une interview à Adventist Review. « On est en train de découvrir qu’en partageant les bénédictions et les défis de nos familles africaines, l’on se rend compte d’être plus semblables de ce qu’on pouvait jamais penser ».
Elie Weick-Dido, président de la Division de l’Afrique du Centre-Ouest, a dit : « Cette typologie de conférences n’est pas si fréquente en Afrique. Mais si nos trois divisions se réunissent pour aborder les thématiques concernant la famille et le mariage, l’on pourrait apprendre beaucoup ».
De Costin Jordache, pour Adventist Review – Avril 2018
Traduit par Tiziana Calà pour Adventiste Magazine
La Rédaction – AlelouyaORG
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