Parents, soyons honorables – à propos du cinquième commandement
Pour l’avenir de nos enfants
Enfant, je devais apprendre les dix commandements à l’école. On nous demandait de les mémoriser puis de les réciter en classe. À cet effet, on nous a donné une version abrégée des commandements. Mais mon père, lui, m’a encouragé à apprendre la version complète [Ex 20.1-17]. Je n’ai jamais été bon pour apprendre des textes par cœur, comme un perroquet. Je ne suis donc pas certain que ma mémorisation ait rendu justice aux dix commandements. Par contre, je me suis familiarisé avec la version biblique. À ce moment-là, je ne réfléchissais pas vraiment au contenu ; je devais apprendre les commandements par cœur, point final, et je les trouvais raisonnables.
Arrivé à l’adolescence, je me suis rendu compte que l’un des commandements se démarquait des autres. Les premiers commandements parlent de Dieu, et les derniers abordent la façon dont nous traitons nos semblables. Mais au milieu, il y a un commandement ayant affaire avec des gens spécifiques – les parents. Pourquoi un commandement tout entier était-il nécessaire au sujet de mes parents ? Honorer mes parents ? Ça me paraissait un peu vague ! Je n’avais rien contre eux, mais pourquoi être à la fois si spécifique et si vague ? Que voulait dire Dieu ? Ce commandement s’accompagne aussi d’une promesse – d’une promesse de longévité. Pourquoi ?
UNE NOUVELLE PERSPECTIVE
Des années plus tard, après avoir terminé mes études en médecine et commencé à travailler en tant que résident en psychiatrie, j’ai constaté progressivement que de nombreux individus n’ont jamais eu une bonne relation avec leurs parents. Ils n’ont jamais été aimés ou n’ont jamais senti qu’ils comptaient pour quiconque. D’où leur incapacité de faire confiance ! J’ai découvert à travers les théories des psychanalystes John Bowlby et Mary Ainsworth, pour ne mentionner que ceux-là, à quel point l’attachement précoce envers nos parents est la clé de toutes les relations subséquentes dans la vie. Qu’il s’agisse de relations aimantes avec un conjoint, un prof, un employeur, ou une figure d’autorité – si elles sont saines, elles nous rendent capables de faire confiance aux autres. Nous devenons capables de transférer cette confiance à d’autres relations, ce qui est crucial.
Mais la relation ultime, c’est notre relation avec Dieu.
Lors de ma première lecture de l’histoire d’Hénoc dans Patriarches et prophètes, j’ai observé l’explication suivante d’Ellen White : la naissance de Metuschélah, son fils, le transforma et le rapprocha de Dieu[1]. En voyant l’abandon filial de son enfant, la confiance entière de celui-ci en la protection paternelle, il comprit mieux sa propre relation avec Dieu.
En tant que parents, nous sommes les représentants de Dieu pour nos enfants. S’ils ont la responsabilité de nous honorer, en revanche, il est de notre responsabilité d’être honorables. Nous devons traiter nos enfants de manière à les encourager à nous faire confiance et à leur faire sentir notre amour pour eux.
Dans Conseils aux éducateurs, aux parents et aux étudiants, Ellen White écrit : « La façon dont Dieu gouverne nous montre comment éduquer nos enfants. L’oppression n’existe pas dans le service de Dieu, et il ne doit y avoir aucune oppression au foyer et à l’école. […] Que la bonté règne au foyer comme à l’école[2]. »
« Pères et mères, au foyer, vous devez refléter les sentiments de Dieu. Vous devez exiger l’obéissance non par un flot de paroles, mais de manière aimable et aimante. Vous devez être remplis de compassion à un point tel que vos enfants seront attirés à vous.[3] »
Nous ne pouvons nous permettre de nous mettre en colère contre nos enfants ou les traiter de manière injuste, et du coup, nous attendre à ce qu’ils suivent notre exemple. (Évidemment, nous ne sommes pas responsables de toutes leurs décisions futures.)
DES ÉTUDES RÉVÉLATRICES
Il y a, cependant, un autre angle important à considérer : la santé future de nos enfants. Dans l’étude CDC-Kaiser ACE[4] – Adverse Childhood Experiences Study (Étude sur les expériences négatives de l’enfance) – laquelle a d’abord été publiée à la fin des années 1990, on a montré que l’environnement de l’enfance précoce a un impact sur la santé mentale et physique future. Les résultats de l’étude indiquent que la négligence, la violence, et un foyer dysfonctionnel de différentes sortes peuvent entraîner différentes maladies chroniques. On pense que les expériences négatives précoces vont perturber le développement neurologique de l’enfant, ce qui peut entraîner une déficience sociale, émotionnelle, et cognitive. L’enfant peut alors adopter des comportements malsains, lesquels mènent finalement au développement de maladies, et même à une mort prématurée[5]. Des études telles que celle-ci donnent vraiment à réfléchir.
Peu de choses ont un impact aussi potentiel sur la santé future d’un individu que la façon dont il a été traité tôt dans la vie.
LE DÉVELOPPEMENT DU CERVEAU PREND DU TEMPS
Tandis que j’écris ces lignes, nous célébrons ici, en Islande, le « premier jour de l’été ». Nous espérons chaque année que ce jour marqué dans le calendrier sera ensoleillé et chaud ! Malheureusement, ce n’est guère le cas, parce que nous sommes encore en avril – et, après tout, nous habitons en Islande ! Mais c’est le temps de l’année où les agriculteurs se préparent à l’agnelage. Chaque fois que j’en suis témoin, je suis étonné de voir la rapidité avec laquelle les agneaux se tiennent sur leurs pattes ! Et quelques mois seulement après leur naissance, ils sont parfaitement autonomes. Il n’en est pas ainsi des êtres humains. Il y a quelques décennies, nous pensions que le développement du cerveau humain s’achevait vers la fin de l’enfance. Mais il n’en est rien. Aujourd’hui, nous savons que le processus de développement du cerveau humain prend environ 25 ans[6]. Dans la tendre enfance, il se développe rapidement, puis atteint un plateau de développement jusqu’à l’adolescence – période au cours de laquelle son développement fait un nouveau bond, tout comme le reste du corps. Le développement de la pensée abstraite et de l’intelligence sociale se produit au cours de cette période. Pendant toutes ces années, nos enfants ont besoin de nous – même s’ils sont convaincus du contraire ! Nous devons les traiter de la façon la plus aimante possible, parce que s’ils honorent leur père et leur mère, leurs jours se prolongeront dans le pays que l’Éternel leur Dieu leur donne (Ex 20.12, paraphrase de l’auteur).
Je ne suis pas un parent parfait (vous n’avez qu’à demander à mon fils !). Personne ne l’est. Nous avons tous notre passé et nos histoires qui font de nous ce que nous sommes, avec nos idées de nous-mêmes et des autres. Nous faisons des erreurs et avons besoin d’être pardonnés. Mais nous avons un modèle en notre Père céleste ! La neuroscience moderne nous dit que le cerveau a la capacité de « pardonner » ; il est plastique, c’est-à-dire qu’il peut s’adapter avec le temps, de manière négative et de manière positive. Nous pouvons donc apprendre de nouvelles choses, parce que le cerveau change[7]– ce qui me donne espoir.
Par conséquent, lorsque vous rencontrez une personne qui a de la difficulté à faire confiance, vous pouvez être sa « mère » ou son « père ». Vous pouvez l’aider à changer sa façon de penser en l’aimant, et ce faisant, en la conduisant vers notre tendre Père qui est aux cieux.
Soyez honorable.
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Helgi Jónsson, psychiatre, est directeur du Ministère de la santé de la Division transeuropéenne. Il habite avec sa famille en Islande.
Source : Adventist World – Juillet 2019
[1] Ellen G. White, Patriarches et prophètes, p. 61.
[2] Idem., Conseils aux éducateurs, aux parents et aux étudiants, p. 126.
[3] Idem., Child Guidance, Nashville, Southern Publishing Association, 1954, p. 259.
[4] www.cdc.gov/violenceprevention/childabuseandneglect/ acestudy/about.html?CDC_AA_refVal=https%3A%2F%2Fwww.cdc. gov%2Fviolenceprevention%2Facestudy%2Fabout.html.
[5] www.cdc.gov/violenceprevention/childabuseandneglect/ acestudy/about.html?CDC_AA_refVal=https%3A%2F%2Fwww.cdc. gov%2Fviolenceprevention%2Facestudy%2Fabout.html.
[6] David Eagleman, The Brain: The Story of You, Kindle edition, Édimbourg, Canongate Books, 2015, p. 14.
[7] Ibid., p. 18.